Reconnaître et comprendre l’expérience des déficits cognitifs
Les déficits cognitifs affectent bien plus que la mémoire d’une personne. Ceux qui en sont atteints constatent une transformation de leurs interactions, de leur perception et de leur compréhension du monde. Qu’il s’agisse de reconnaître des visages familiers, de suivre des conversations ou de se sentir bien dans une routine, les expériences quotidiennes que beaucoup considèrent comme acquises peuvent soudainement sembler déroutantes ou même insurmontables.
Cet article vous invite à considérer les choses selon la perspective d’une personne vivant avec des déficits cognitifs. En comprenant comment cette affection est vécue de l’intérieur, les familles et les proches aidants peuvent offrir un meilleur soutien en faisant preuve de patience, de compassion et de respect.
Quels sont les changements cérébraux à l’origine des déficits cognitifs?
Les déficits cognitifs n’affectent pas que la mémoire. Le cerveau fonctionne différemment, ce qui influence la façon de réfléchir, de ressentir les émotions et d’interagir avec l’environnement. Ces changements surviennent à la suite de dommages causés aux cellules cérébrales (appelées neurones), qui ne peuvent plus « communiquer » entre elles comme avant. Selon le type de déficits cognitifs, ces altérations peuvent affecter différentes régions du cerveau et causer des symptômes variés.
Voici comment les déficits cognitifs peuvent affecter les fonctions cérébrales :
- Prise de décision et jugement : Lorsque les lobes frontaux sont atteints, même les décisions simples semblent parfois très difficiles. Par exemple, choisir entre un chandail ou une chemise peut rendre une personne anxieuse.
- Perception spatiale et orientation : Une altération des zones du cerveau responsables de la perception de l’espace et de l’orientation peut rendre déroutants des lieux autrefois familiers. En raison de ces altérations, une personne peut se perdre dans son propre quartier ou mal juger les distances lorsqu’elle prend une tasse.
- Régulation des émotions et de l’humeur : Les parties du cerveau qui aident à réguler les émotions peuvent se modifier, ce qui risque d’entraîner soudainement de l’irritabilité, de l’anxiété ou de la tristesse. Ces variations émotionnelles ne sont pas intentionnelles; elles sont le résultat de signaux erronés envoyés par le cerveau.
- Langage et communication : Lorsque les zones du langage sont affectées, une personne peut avoir du mal à trouver ses mots, à suivre des conversations ou à s’exprimer clairement. Elle peut dire des phrases comme « Tu sais, la chose… la chose pour cuisiner » au lieu de « la cuisinière ».
- Mémoire et apprentissage : La mémoire à court terme décline souvent en premier, et les déficits cognitifs peuvent éventuellement affecter la capacité à apprendre de nouvelles informations ou à se remémorer de précieux et lointains souvenirs.
Ces changements peuvent entraîner de la frustration et de la confusion et sont parfois effrayants pour la personne touchée et ses proches. Imaginez que, du jour au lendemain, vous êtes incapable de préparer le thé que vous avez servi chaque jour pendant des années, ou que votre maison vous semble soudainement étrangère. Ces changements ne sont pas dus à de l’entêtement ou à un manque d’effort; ce sont les conséquences des altérations du cerveau sur lesquelles la personne n’a aucun contrôle.
Comprendre cela aide les familles à redéfinir leur approche. Au lieu de se demander « Pourquoi ma mère ne peut-elle pas simplement s’en souvenir? », on se demandera alors « Comment puis-je la soutenir dans cette épreuve? ». Ce changement de perspective ouvre la porte à des soins prodigués avec patience, empathie et compassion.
Comment les déficits cognitifs affectent-ils le quotidien?
Imaginez que vous déambulez dans votre propre maison en ne sachant pas avec certitude où vous êtes, ou que vous marchez dans une pièce où se trouvent vos proches en ne parvenant pas à reconnaître leur visage. Ce sont certaines des réalités vécues par les personnes vivant avec des déficits cognitifs au quotidien.
Les expériences suivantes sont vécues couramment :
- Éprouver des difficultés à se repérer dans le temps ou dans l’espace : Les jours, les saisons et même le lieu où la personne se trouve peuvent se brouiller.
- Avoir du mal à reconnaître les visages ou les objets : Des personnes ou des objets familiers peuvent sembler étrangement inconnus.
- Se sentir submergé par des environnements bruyants : Les endroits bondés ou bruyants peuvent rapidement provoquer de la détresse émotionnelle.
- Vivre de l’anxiété lors de changements de routine : Des changements soudains dans les habitudes quotidiennes peuvent désorienter ou insécuriser la personne.
En imaginant ces moments, les familles comprennent mieux pourquoi leur proche peut se montrer renfermé, anxieux ou sur la défensive.
Regardez notre vidéo Reconnaître et comprendre l’expérience des déficits cognitifs,
qui offre une perspective émouvante sur les répercussions de cette affection sur le quotidien et met en lumière le rôle essentiel de l’empathie.
Impacts émotionnels et psychologiques
Vivre avec des déficits cognitifs signifie composer avec la perte de mémoire, mais aussi avec les ressentis que ces changements provoquent. Imaginez la confusion qu’une personne peut ressentir en entrant dans sa propre cuisine sans la reconnaître, ou en débutant une phrase sans parvenir à trouver le mot suivant. Ces expériences déclenchent souvent de fortes réactions émotionnelles et entraînent des répercussions sur le quotidien.
Moments de lucidité et de confusion
Les personnes qui vivent avec des déficits cognitifs parlent souvent de « bonnes journées » et de « mauvaises journées ». Il est possible qu’une personne arrive à se rappeler les noms de ses petits-enfants facilement le matin, alors qu’elle a du mal à les reconnaître plus tard dans la même journée. Cette imprévisibilité peut être angoissante, tant pour la personne touchée que pour ses proches.
Embarras ou gêne
De nombreuses personnes sont conscientes, à leur grand désarroi, d’oublier des choses ou de perdre le fil de leurs pensées. Il arrive qu’elles se retirent des conversations ou des rassemblements sociaux par crainte d’avoir un « moment de faiblesse ». Par exemple, une personne pourrait arrêter d’aller à son club de jeux de cartes hebdomadaire, parce qu’elle se sent gênée d’oublier les règles.
Deuil et perte
Les déficits cognitifs peuvent entraîner un sentiment de deuil. C’est une réalité courante, qui concerne autant les souvenirs qui s’effacent que la perte des capacités, de l’autonomie et de l’identité. Une personne profondément consciente des changements en cours pourrait dire : « Je ne me reconnais plus ».
Peur, anxiété et paranoïa
Lorsque le monde semble imprévisible et étranger, il est normal qu’une personne se sente suspicieuse ou craintive. Elle risque par exemple de penser qu’on lui a volé quelque chose alors qu’en fait, elle l’a simplement mis au mauvais endroit. Ce n’est pas de l’entêtement : c’est la façon dont son cerveau tente de donner un sens aux trous de mémoire. Toutefois, même dans ces moments difficiles, du réconfort et un soutien bienveillant peuvent aider à rétablir le calme et à instaurer la confiance.
Comment les proches aidants peuvent-ils gérer les répercussions?
Pour les familles et les proches aidants, ces changements émotionnels peuvent être déchirants. Il est difficile de voir une personne qu’on aime dans un état de frayeur ou de frustration, ou de constater qu’elle perd son intérêt pour ses activités habituelles. Toutefois, c’est justement dans ces moments que l’empathie et le réconfort jouent un rôle essentiel. Au lieu de corriger la personne ou de rejeter ses émotions, se montrer compréhensif peut apaiser sa détresse.
Par exemple :
- Si votre proche insiste pour retourner à la maison alors qu’il y est déjà, au lieu de dire « Tu es déjà à la maison; tu ne t’en souviens pas? », essayez plutôt : « Peux-tu me parler de ta maison? Qu’est-ce que tu aimes chez toi? ». Cette approche valorise les émotions vécues et permet de réorienter délicatement la conversation.
- Si la personne est gênée d’avoir oublié quelque chose, une réponse gentille comme « C’est correct, on oublie tous des choses. Je suis là pour t’aider » peut contribuer à rétablir la dignité et à dissiper la honte.
La patience, le réconfort et le sentiment de sécurité émotionnelle sont essentiels. Quand une personne vivant avec des déficits cognitifs se sent écoutée et respectée, même dans les moments de confusion, ses craintes sont atténuées et sa qualité de vie est améliorée.
Comment les déficits cognitifs affectent-ils les relations?
Les relations évoluent inévitablement lorsque la communication change. Il peut arriver qu’une personne ne reconnaisse plus la conjointe de son proche, qui pourrait alors s’emporter ou se retirer. Des questions répétées peuvent mettre la patience à l’épreuve.
Il est essentiel de garder en tête que ces réactions ne visent personne en particulier : ce sont les symptômes de l’affection. Les familles et les proches peuvent apporter de légers ajustements à leur façon de communiquer avec la personne atteinte de déficits cognitifs pour atténuer sa confusion. En voici quelques exemples :
- Utiliser des noms plutôt que « il » ou « elle ». Les noms constituent un repère dans les conversations et contribuent à réduire la confusion. Dire « Ta fille Anna vient te voir plus tard » est plus clair et plus personnel que « Elle s’en vient ».
- Regarder dans les yeux pour faire sentir sa présence. S’asseoir au niveau des yeux et regarder son proche dans les yeux favorise une communication empreinte d’attention et de chaleur, même si les propos sont difficiles à suivre.
- Faire de doux rappels au lieu de corriger. Les corrections peuvent provoquer de la frustration, alors que des suggestions délicates sont plus bienveillantes. Par exemple, au lieu de dire « Je te l’ai déjà dit », essayez plutôt : « Oui, c’est mardi, le jour où nous allons faire notre promenade. »
L’amour et le maintien de relations solides sont toujours possibles, même lorsque les mots manquent.
L’importance de la familiarité et de la routine
Pour une personne vivant avec des déficits cognitifs, la prévisibilité est source de réconfort. Les images, les odeurs et les sons familiers (comme un fauteuil confortable, une photo de famille précieuse ou l’arôme du café du matin) peuvent offrir des repères et une rassurance dans les moments d’incertitude.
À l’opposé, les changements soudains ou les perturbations peuvent être épuisants et causer de l’agitation ou de la peur. C’est pourquoi il est important de créer un environnement et une routine stables. Les familles et les fournisseurs de soins peuvent y contribuer en :
- maintenant l’espace de vie propre, organisé et désencombré;
- entourant la personne d’objets importants pour elle, qui seront des repères et contribueront à son bien-être;
- suivant chaque jour des horaires réguliers pour les repas, le repos et les activités afin d’établir un rythme et un sentiment de sécurité.
Ces ajustements mineurs, mais délibérés, peuvent transformer le quotidien et contribuer à créer un environnement plus calme, sécuritaire et familier.
L’importance d’écouter les personnes vivant avec des déficits cognitifs
Même lorsque les déficits cognitifs évoluent, la personne qui en est atteinte continue d’avoir des pensées, des sentiments et des préférences qu’on se doit d’honorer. L’écoute, dans ce contexte, signifie lire entre les lignes. Il s’agit de prêter attention au langage corporel, aux expressions faciales, au ton de la voix et aux gestes subtils.
Un sourire, un froncement de sourcils ou un tapotement ininterrompu sur la table peut communiquer beaucoup plus d’informations qu’une phrase. En ralentissant et en surveillant ces signaux, les familles et les proches aidants expriment leur respect créent des moments de rapprochement authentiques.
De nombreuses personnes vivant avec des déficits cognitifs ont souligné à quel point il est important pour elles de se sentir écoutées, même si leurs phrases s’égarent ou qu’elles ne sont pas toujours cohérentes. Ce qui compte le plus, ce n’est pas de comprendre parfaitement; c’est la dignité et le réconfort qu’apporte la reconnaissance.
Préserver la dignité et l’identité
Un diagnostic de déficits cognitifs n’efface pas l’identité. Derrière cette affection se trouve une personne ayant vécu une vie entière remplie d’expériences et animée par des valeurs et des passions qui méritent d’être reconnues. Préserver la dignité signifie voir la personne touchée d’abord, et non sa maladie.
Respecter les choix et les préférences, comme ce que la personne veut porter, la musique qu’elle désire écouter ou la façon dont elle souhaite passer son après-midi, contribue à maintenir un sentiment de contrôle et d’autonomie. Jardiner, cuisiner et écouter une chanson appréciée sont des exemples d’activités familiales qui apportent de la joie et renforcent l’identité, même lorsque la mémoire s’estompe.
Les récits de vie constituent un moyen puissant de préserver les liens. Parcourir des albums de photos, se remémorer des souvenirs familiaux ou discuter d’expériences passées permet à la personne vivant avec des déficits cognitifs de rester fidèle à elle-même et à ce qui lui importe le plus.
Téléchargez le document Comprendre les déficits cognitifs : un guide de soutien, de communication et de soins à l’intention des proches
Prendre soin d’une personne vivant avec des déficits cognitifs peut sembler épuisant, mais vous n’êtes pas seul dans ce parcours. Ce guide complet sur les déficits cognitifs destiné aux proches aidants fournit des conseils pratiques, des astuces pour communiquer avec empathie et des approches éprouvées pour vous aider à soutenir la personne que vous aimez avec confiance et dans le respect de sa dignité.
Ce guide comprend :
- des explications claires sur les effets des déficits cognitifs sur la vie quotidienne et les relations;
- des conseils pratiques sur la communication, les routines et les soins;
- des recommandations pour préserver l’identité de la personne touchée, sa joie de vivre et ses liens sociaux.
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Cet article est destiné à des fins éducatives seulement et ne remplace en aucun cas l’avis d’un médecin. Consultez toujours un professionnel de la santé qualifié pour obtenir des conseils adaptés à votre situation.