
À ses 83 ans, mon père m’a confié se sentir comme lorsqu’il avait 40 ans, exception faite lorsqu’il voyait son reflet dans le miroir et qu’il se demandait qui était le vieil homme qui le regardait. Quelques années auparavant, alors que je l’emmenai visiter une résidence, mon père me confie qu’il trouvait que les résidents étaient vieux. Je lui ai alors demandé quel âge il pensait que la plupart de ces personnes avaient, il me répondit en ricanant que ceux-ci avaient probablement son âge ou étaient même plus jeunes. Peut-être que cette histoire vous paraît familière puisqu’elle dépeint un phénomène très répandu qui nous incite à nous percevoir beaucoup plus jeunes lorsque nous prenons de l’âge?!
Cet écart entre perception et réalité se creuse avec l’âge et peut être dû en partie aux stéréotypes sociaux envers la prise d’âge et le refus d’en faire partie ou à la difficulté à reconnaître l’apparition de contraintes qui y sont liées sur soi ou sur les autres.
Cependant, quand cet écart est trop important, il devient ardu de planifier son avenir en vue d’une retraite puisque les gens ne parviennent pas à accepter cette réalité. La planification à ce stade avancé de la vie devient donc primordiale puisque les besoins changeants peuvent représenter un obstacle de taille lorsque l’occasion de devoir affronter un nouveau départ se présente..
Ses 30 dernières années, je me suis consacrée au travail auprès des aînés et de leur famille et j’ai pu remarquer que la plupart des gens n’adaptaient pas leur logis en fonction de leurs besoins changeants. Évidemment, la qualité de vie s’en trouve alors amoindrie, ce qui complexifie de possibles déménagements. Une bonne planification permet de concilier prise d’âge et qualité de vie accrue.
Celle-ci peut en effet s’avérer difficile puisqu’elle implique que l’on doive sortir de sa zone de confort. Récemment, j’ai eu la chance d’entendre l’astronaute Chris Hadfield, l’un de nos héros nationaux, adresser à un large auditoire un discours inspirant, dont ses paroles qui m’ont profondément touchée : « Même si nous ne sommes jamais réellement prêts pour du nouveau, nous devons espérer que nous le sommes suffisamment. »
Mais qu’est-ce qui nous pousse à être « suffisamment prêts »?? Après notre visite de la résidence, mon père et moi nous sommes entretenus sur les façons de bonifier sa qualité de vie et celle de ma mère. Je savais que le moindre changement bouleverserait la vie de mes parents et les pousserait à emménager dans des circonstances peu favorables. De plus, mon père, qui veillait sur ma mère, disposait de peu de temps pour avoir une vie sociale à proprement dite là où les deux vivaient, les tâches quotidiennes d’aidant naturel ne lui en laissant que très peu.
Environ six mois après l’emménagement de mes parents, mon père me dit ces mots que j’ai si souvent entendus : « Nous aurions dû le faire plus tôt. » Mes parents ont rapidement appris à apprécier leur nouvelle vie à la suite d’une courte période de transition. Au décès de ma mère, mon père a pu compter sur l’appui de tous les amis qu’il s’était fait tout au long de ses trois années en résidence, ce qui n’aurait pas du tout été le cas s’il n’avait pas choisi de déménager.
Une bonne planification repose sur une projection des cinq à sept années à venir. Il suffit ensuite de mettre en œuvre les dispositions prises pour la réaliser. Nous avons tous besoin de temps pour écrire un nouveau chapitre de notre vie, pour nous créer un nouveau réseau et pour adopter un nouveau rythme de vie qui conviendra à notre présent et nous outillera pour l’avenir.
Pour bon nombre d’entre nous, un déménagement et un nouveau mode de vie ne sont pas synonymes de conclusion, bien au contraire, ces changements sont porteurs de promesses d’un meilleur avenir. Vous pourriez penser que vous n’êtes pas encore en mesure de faire le grand saut, mais comme le Col. Hadfield l’a si bien dit, peut-être êtes-vous déjà « suffisamment prêt » à le faire.