Étude de cas menée par Docteure Amy : S’attendre à plus de ses années de retraite

Après plus de 30 ans de travail auprès des aînés, force m’est de constater qu’à mesure que les gens vieillissent, ils croient souvent que leur vie ne pourra plus être aussi agréable, facile ou satisfaisante qu’avant. Des changements dans leur état de santé ou leur mobilité peuvent renforcer cette conviction. Pourtant, bien souvent, ce ne sont pas des changements de cette nature qui posent des obstacles à une vie riche et remplie durant les vieux jours. Ce sont plutôt les idées que les gens entretiennent fermement au sujet de l’endroit où ils habiteront et de la manière dont ils vivront qui les empêchent d’adapter leur mode de vie aux différentes étapes de leur vie.

C’est ce que j’ai observé chez Betsy* et Ryan*. Lors de notre première rencontre, ils étaient au début de la soixante-dizaine et commençaient seulement à éprouver des ennuis de santé notables. Ils habitaient dans la maison où ils avaient vécu près de 40 ans. Ils y avaient élevé leurs enfants et avaient prévu y rester jusqu’à la fin de leurs jours. C’était une charmante maison, mais comme cela est souvent le cas, elle nécessitait beaucoup d’entretien. Quand j’ai connu Betsy et Ryan, ils s’occupaient encore bien d’eux-mêmes et de leur maison. Mais je pouvais bien voir qu’avec le temps, cela pourrait ne plus être aussi facile. Ryan était atteint de diabète de type 1 depuis sa jeunesse, et les effets de cette maladie se faisaient sentir de plus en plus. Sa vision baissait, et il avait des problèmes cardiaques encore bénins, mais dont il savait qu’ils s’aggraveraient. Quant à Betsy, elle souffrait d’ostéoporose et sa mobilité commençait à montrer des limites.

Betsy et Ryan étaient très actifs au sein de leur paroisse et avaient une vie sociale dynamique. Ryan continuait de travailler à temps partiel, pour le plaisir. Cependant, dans la décennie qui a suivi, les difficultés ont commencé à s’accumuler. Le couple était souvent trop fatigué pour s’occuper des tâches domestiques, pour sortir avec des amis ou pour participer aux activités de leur église. Lentement, leur monde s’est mis à devenir de plus en plus restreint. Et Ryan et Betsy l’acceptaient comme étant l’ordre naturel des choses.

Maintenant octogénaires, Betsy et Ryan ont finalement décidé que le temps était venu d’emménager dans une résidence pour retraités. Au départ, ils étaient très réticentsà l’idée de quitter leur maison, car ils pensaient qu’ils y resteraient pour toujours.

J’ai décidé d’aller prendre un café avec eux environ six mois après leur arrivée dans leur résidence, et j’ai été bien surprise en les retrouvant! Ils avaient l’air plus jeunes et plus animés que je ne les avais vus depuis des années. Quand je leur ai demandé comment ils s’adaptaient, et ce qu’ils faisaient pour avoir aussi bonne mine, Ryan m’a déclaré que le déménagement qu’ils redoutaient et repoussaient avait changé leur vie en mieux. Libérés de la cuisine, du ménage, des courses et de l’entretien de la maison, ils avaient du temps et de l’énergie pour les choses qu’ils aimaient faire. Ils avaient repris contact avec de vieux amis, qu’ils rencontraient autour d’un café ou d’un repas, et étaient redevenus beaucoup plus actifs au sein de leur église. Ryan avait aussi recommencé à écrire de temps à autre pour une publication, chose qu’il avait cessé de faire quelques années auparavant, puisqu’il n’avait plus l’énergie nécessaire. Le couple avait aussi commencé à participer aux activités de la résidence et à se faire de nouveaux amis.

Durant notre conversation, ils m’ont avoué qu’ils avaient un regret : celui de ne pas avoir pris la décision de déménager dix ans plus tôt, avant que leur santé commence à décliner. Même s’ils prenaient désormais pleinement goût à la vie, ils ont compris que les dernières années auraient pu être plus faciles et moins stressantes pour eux, s’ils avaient renoncé à l’idée qu’ils étaient censés rester dans leur maison jusqu’à la fin de leurs jours.

J’ai entendu ces propos plusieurs fois au cours de mes années de travail auprès des aînés et de leur famille. Les gens me disent souvent qu’ils auraient aimé avoir pris la décision bien avant qu’ils l’ont fait. Quand mes propres parents ont emménagé dans une résidence pour retraités, décision à laquelle mon père se refusait depuis plusieurs années, environ six mois après leur emménagement dans la résidence, celui-ci m’a, lui aussi, confié qu’ils auraient dû le faire depuis des années.

Quand une autre saison arrive, nous adaptons notre façon de nous habiller en conséquence, habituellement sans aucune résistance. Imaginez porter un manteau d’hiver en juillet et vous plaindre de votre sort! Puis, imaginez enlever ce manteau et vous rendre compte que le temps est magnifique et que vous pouvez pleinement en profiter. Vous tournez votre visage vers le soleil, respirez à fond et souriez. À présent, imaginez que nous nous adaptions de la même manière aux différentes étapes de la vie. Au lieu de nous accrocher à notre maison et à nos possessions dont nous devenons prisonniers, parce qu’elles ne nous sont plus utiles, nous changons de cadre de vie pour aller vers celui qui correspond à l’étape de notre vie où nous en sommes. Cela revient à se défaire de ce manteau d’hiver pour tourner notre visage vers le soleil en respirant à pleins poumons. Libérés de ce qui nous ne nous sert plus, nous sommes prêts pour ce que la vie a encore à nous offrir. Alors, êtes-vous prêt pour de nouvelles aventures?

* Les noms ont été modifiés par souci de confidentialité.

Dr AmyÀ propos de Docteure Amy D’Aprix

Docteure Amy est conseillère principale certifiée, vice-présidente de la Fédération internationale du vieillissement et cofondatrice de Essential Conversations Project. Travailleuse sociale auprès des aînés, elle œuvre auprès d’eux et de leurs familles depuis plus de 30 ans.